L’art du charbonnier – travaux préparatoires

CharbonnierA l’arrivée en forêt, c’était toujours le même cérémonial, nettoyage de l’intérieur de la baraque puis des abords envahis par la végétation.
On restait sur le même site tant que la totalité de la coupe de bois n’avait pas été carbonisée. Tous les deux à trois ans, on déménageait dans une autre forêt. Alors mes parents repéraient les emplacements des anciennes meules de charbon et s’installaient à proximité.
Mon père remettait en état ces emplacements en décapant la surface du sol avec une marre, houe arrondie, jusqu’à faire apparaître une terre noire formée par la poussière et les résidus de charbon. Il enlevait alors cette terre fine sur une quinzaine de centimètres et la disposait en cordon tout autour de l’emplacement. Cette terre servira plus tard à recouvrir la meule.
A partir des années soixante dix, mes parents n’ont plus changé de lieu. Ils installèrent définitivement leur baraque préfabriquée dans la forêt de Boblaye.

Charbonnier

Au 1er plan, un emplacement d’environ 7m de diamètre

A partir de cette époque, les travaux préparatoires furent réduits au minimum. Le décapage des emplacements n’était plus nécessaire, puisque les mêmes servaient d’une année à l’autre. De plus, les bûcherons livraient le bois à proximité ce qui évitait le travail pénible de brouettage des cordes de bois qui auparavant étaient disséminées dans la forêt.

A suivre, le montage de la meule

L’art du charbonnier

Pour fabriquer du charbon de bois, tout l’art du charbonnier réside dans la maîtrise du feu. Il faut savoir brûler doucement le bois, juste à point, sans trop le consumer, pour éviter qu’il se réduise en braise mais suffisamment pour qu’il se transforme complètement en charbon.
CharbonnierMon père, descendant d’une longue lignée de charbonniers, maîtrisait parfaitement cette technique qu’il tenait de son père et de son grand-père.
Je l’ai vu bien souvent à l’œuvre, pour avoir passé la majeure partie des vacances scolaires d’été en forêt.
A partir des années soixante, ce travail devint marginal dans l’activité de mes parents. Mon père continua, par goût du métier, à carboniser quelques meules de bois jusqu’au milieu des années quatre-vingt dix. Il a été à ma connaissance le dernier charbonnier de Bretagne en activité. Pour garder une trace de ce métier qui a pratiquement disparu, j’ai réalisé à cette époque un reportage photographique dans la forêt de Boblaye (56 Meslan).
Mon père parlait toujours avec beaucoup de passion de son métier, je ne crois pas l’avoir entendu se plaindre. Bien au contraire, c’était toujours avec plaisir qu’il partait pour Boblaye où il était très heureux de présenter son travail aux personnes qui venaient lui rendre visite.
En souvenir de lui, j’essaie à ma manière de faire découvrir ce métier hors du commun et je suis certain qu’il serait heureux que je continue à en parler.
En m’appuyant sur mes photos et mes notes ainsi que sur mes souvenirs, je vais vous proposer tout au long de la semaine une série d’articles sur les différentes phases de la fabrication artisanale du charbon de bois. Ensuite, vous en saurez autant que moi sur ce métier et vous serez en mesure de fabriquer vous-même du charbon pour vos grillades !

A suivre, les travaux préparatoires…

Fils de charbonnier !

La vie en forêt tient une place très importante parmi mes premiers souvenirs d’enfance. Ils remontent aux années 50 et 60, à l’époque où mes parents profitaient des vacances scolaires pour fabriquer du charbon de bois.
A cette époque mon père exerçait de manière traditionnelle un métier qui a aujourd’hui quasiment disparu et que lui avaient transmis son père et son grand-père. D’après mes recherches généalogiques, tous mes ancêtres paternels ont exercé le métier de charbonnier.

Mes tous premiers souvenirs me ramènent en forêt de Pont-Calleck à Berné, au début des années 50, je devais avoir 6-7 ans. Je n’ai aucun souvenir du travail de mon père, à cet âge ce n’est sans doute pas ce qui m’intéressait. Par contre je me rappelle avoir été ramasser des châtaignes avec ma grand-mère et d’avoir vu des chevreuils tout près de notre cabane.
Un peu plus tard, c’est avec toute la famille, mon père, ma mère et Gaëdick, ma sœur cadette, que nous partions vivre en forêt pour une période d’une à deux semaines.
Nous vivions dans une cabane aménagée très sommairement: une table surmontée d’un petit garde-manger, deux bancs, un poêle et les lits constituaient l’aménagement intérieur. Cet aménagement, pour le moins spartiate, ne m’a jamais posé de problèmes car ma vie se passait essentiellement à l’extérieur auprès des meules de charbon.
De temps en temps je donnais un coup de main à mes parents pour approcher le bois et le stocker autour des emplacements, mais la plupart du temps je jouais seul ou avec Gaëdick. A l’époque, nul besoin de jouets pour occuper mes journées, la forêt, souvent bordée par un ruisseau ou une rivière, m’offrait un véritable terrain d’aventures.
J’aimais aussi écouter mon père raconter inlassablement et toujours avec la même verve des histoires sur son enfance et sur ses ancêtres. Les plus savoureuses concernaient son grand-père Jacques, une figure pittoresque que j’ai eu la chance de connaître.

Jacques guégan vers 1930

Jacques Guégan (photo vers 1930)

Mes parents déplaçaient la cabane pour changer de forêt, en fonction de l’abattage des taillis. La plupart du temps c’était dans la forêt de Boblaye à Meslan(56).

Mais nous avons été aussi aux Salles et à Nargoät sur la commune de Querrien(29)

charbonniers vers 1930

Mon père et sa sœur entourés par leur grand-père Jacques et leur oncle Yvon
(photo vers 1930)

Un jour, dans la forêt situé près du village des Salles, nous avons eu une des plus grandes peurs de notre vie, la disparition de Gaëdick. Pendant que mes parents étaient occupés autour de la meule, Gaëdick, qui devait avoir 3 ou 4 ans, avait disparu. Malgré nos recherches et nos appels à tue-tête, aucun signe de sa part.
Je me rappelle qu’une peur panique s’est emparée de mes parents. La rivière de l’Ellé coulait à proximité. Il me semble qu’ils avaient alerté les fermiers des Salles, mais personne n’avait aperçu ma sœur. Soudain nous l’avons vu arriver par un sentier. Elle chantait en rentrant de sa longue promenade, un morceau de bois lui servait de canne.
Tellement contents de ce dénouement, je crois que mes parents n’avaient pas dû beaucoup la gronder.

Quelquefois, nous avions la chance d’être installés à proximité d’une ferme et de trouver des enfants de nos âges pour jouer.
C’est ainsi qu’à Nargoät, je crois que j’avais 9 ans, je fis la connaissance de Victor qui avait le même âge et de sa sœur Marie-Noëlle légèrement plus jeune.
Pendant les quelques semaines où mes parents travaillaient à quelques centaines de mètres de la ferme, Gaëdick et moi passions l’essentiel de notre temps à jouer avec eux.
Ensuite, nous nous sommes perdus de vue, jusqu’au soir du 1er janvier 1965 où, grâce à une amie commune, je rencontrais à nouveau Marie-Noëlle. Nous nous sommes mariés, l’année suivante.